TOME 4 - FASCICULE 4 - OCTOBRE-DECEMBRE 1989

Sommaire

Editorial - Appel à témoins

Marcatchou - Les oubliés de la Chartreuse

A. GANY - Les routes militaires hier et aujourd'hui

J. HARLEPIN - Visites organisées par la Section de Bruxelles

J. HARLEPIN - A propos de la bataille de l'Yser

Appel

P. BEAUJEAN - Août 1914, rue Commandant Marchand, un bâtiment, deux histoires

Editorial - Appel à témoins

10 Ans déjà
Vingt et un novembre 1979...
Une bonne vingtaine d'amateurs de fortifications et d'histoire militaires sont réunis dans la salle d'honneur de l'Hôpital Militaire Saint Laurent à Liège. Le président de séance est sans doute éloquent car l'assistance accepte en bloc de signer l'acte constitutif et le projet de statuts. Le CLHAM vient de naître...
Dix années !
Ainsi commence une décennie riche en découvertes et réalisations de toutes sortes :
- création d'un centre opérationnel et d'une bibliothèque,
- organisation de trois expositions remarquables,
- édition d'une quarantaine de brochures trimestrielles et d'une dizaine de brochures spéciales,
- démarrage d'une antenne bruxelloise,
- mise sur pied de deux associations autonomes en charge des forts d'Eben-Emael et de la Chartreuse,
- organisation de visites de forteresses,
- ouverture du Mémorial de Cointe,
- réunions du mardi soir, etc.
Ne s'agit-il pas là d'un bilan remarquable pour une jeune association ?
D'autant qu'au delà de ces réalisations proprement techniques il y a la rencontre des "mordus", des enthousiastes, des obstinés, des curieux de tout ce qui touche à la fortification et à l'histoire militaire, il y a pour nous le sel de la vie...
Dans cette longue marche, quelques-uns nous ont quitté mais... d'autres sont venus.
Ayons un merci particulier pour tous ces administrateurs, toujours trop peu nombreux, qui se démènent à longueur d'années pour faire "tourner la machine". Sans eux, il n'y aurait pas de CLHAM.
Et aujourd'hui...
Et bien disons simplement que l'on se pose beaucoup de questions :
comment tenir le coup et remédier à "l'usure du pouvoir" ? (si peu de pouvoirs et tellement de devoirs !)
comment assurer la relève ?
comment aplanir les inévitables heurts et différents entre collègues ?
quel secteur faut-il privilégier dans notre action ?
comment gérer notre centre de manière optimale ?
Autant de questions sans réponse immédiate !
Et demain... le CLHAM
J'ignore de quoi demain sera fait mais, au seuil de cette deuxième décennie d'existence, il me semble indiqué de dire à tous les "enragés" de fortifications, à tous les amoureux d'histoire militaire que vous êtes, que notre intention est de continuer contre vents et marées.
Longue vie au CLHAM
A. Gany
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MARCATCHOU - Les oubliés de la Chartreuse

Il y a quelques semaines, le journal VLAN - LIEGE publiait, sous la signature de Marcatchou, un article intitulé "Les oubliés de la Chartreuse" dont nous extrayons le passage ci-dessous.
"J'ai pris le chemin de la Chartreuse, la rue des Fusillés et les sentiers remplis d'ombre et de cris d'enfants qui serpentent à travers l'ancien domaine militaire.
Je me savais loin des cérémonies et des réceptions officielles (N.d.l.r.: l'auteur écrit son article le 21 juillet et a fait allusion tout d'abord au Te Deum à la cathédrale). Je ne savais pas que j'en étais si loin... Le Bastion des fusillés était désert. J'ai fait fuir deux merles qui sifflaient "aux champs" à leur façon. Je leur en demande pardon.
Assis dans l'herbe, près des rangées de croix blanches figées dans un éternel garde-à-vous, j'ai noté quelques inscriptions avant qu'on les efface peut-être, pour retrouver bonne conscience :
ICI tombèrent sous les balles allemandes
48 HEROS victimes de leur Dévouement
à la PATRIE
Passant garde fidèlement le Souvenir
de ces Nobles Martyrs du devoir
1914-1918
Et cette autre :
LE CIMETIERE DU BASTION
a été aménagé par le
SERVICE DES PLANTATIONS
de la
VILLE DE LIEGE
II en fleurit les tombes et veille à leur entretien.
L'armée prête son concours à ce devoir sacré.
Je n'en veux pas au dernier carré des jardiniers de Liège qui suent sang et eau pour sauver ce qu'ils peuvent de nos parcs et de nos jardins publics.
Mais l'armée ? Quand même ! Elle a déserté le fort et replié réglementairement le drapeau qui flottait à l'entrée du Bastion. Ce 21 juillet, le mât était nu, dressé comme un reproche. En fait de fleurs, je n'ai vu que des gerbes fanées aux rubans délavés.
Debout devant le mémorial, la statue du FUSILLE, d'Oscar Berchmans, a été lapidée par des vandales. Les traits du personnage semblent encore plus douloureux, plus pitoyables. Comme s'il était passé une seconde fois devant le peloton d'exécution.
Les croix portent des noms du terroir, des noms familiers et pourtant oubliés : Béguin, François, Defêchereux, Gillet, Gillot, Legrand, Noirfalize, Sacré, Garot, Paquay, Wathelet, Henrot, Lejeune, Lecocq, Grégoire, Xhonneux, Simon, Remacle, Monfort, Wauthy, Somers, Bury... Quelques-uns figurent encore sur nos plaques bleues émaillées : Dieudonné Derache, Elise Grandprez, Auguste Javaux, Justin Lenders, Dieudonné Lambrecht, Alphonse Ramet, Amédée Gilkinet, les frères Collard.
Louis et Anthony Collard, deux gars de vingt ans, marchèrent vers le poteau en chantant le Magnificat. Je me souviens qu'on les priait autrefois à l'égal des saints. Les héros et les saints sont bien encombrants aujourd'hui, gênants, dérangeants. "Dans leur coeur," affirme une dernière inscription, "brillait le feu de la Cité ardente". Qui sera demain le gardien de la flamme ?
Attention, mes amis, nous risquons de tomber dans nos trous de mémoire !"
MARCATCHOU
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A. GANY - Les routes militaires hier et aujourd'hui

I. Introduction
Il n'est pas rare lors d'une promenade dans les alentours de Namur, Liège ou Anvers, de rencontrer une plaque indicatrice portant l'inscription "Route Militaire" ou "Militaire Ring". Comme cette appellation le laisse entendre, une route dite "militaire" est une route qui fait partie des biens immobiliers du Ministère de la Défense Nationale.
Au sens juridique du terme, les deux seules dénominations répondant parfaitement à cette définition sont celles de "Rue du Rempart" et "Route Militaire" ainsi que leur équivalent néerlandais "Vestingstraat" et "Militaire weg" (ou Militaire Ring).
II. La Rue du Rempart
Sa création officielle remonte au décret des 8-10 juillet 1791 repris ultérieurement par le "Règlement des Services Techniques du Génie - Section V - Le Domaine Militaire National"
Celui-ci en donne la définition suivante : Dans les positions fortifiées peut exister un chemin dit "Rue du Rempart" le long des enceintes continues.
La Rue du Rempart est constituée par le terrain compris entre le pied du talus du rempart et la limite intérieure du terrain acquis par le Département de la Défense Nationale et indiquée aux plans de bornage ou aux plans terriers d'expropriation, si le bornage légal n'a pas été effectué.
Elle a pour objet d'établir des moyens de communication facile entre les diverses parties des ouvrages de fortification et avec les diverses places et rues de la ville.
La rue du Rempart étant à la fois rue militaire et rue de la ville, l'alignement doit y être déterminé à priori de concert avec les autorités civiles et militaires et approuvé par l'autorité compétente. Cette rue doit être assimilée aux autres parties de la voirie publique et être régie par les lois et règlements concernant la voirie communale.
Les propriétaires riverains ont le droit d'y ouvrir des jours et des issues en se conformant aux lois et règlements relatifs à la voirie.
En Belgique, on ne trouve plus qu'une seule citadelle située à l'intérieur d'une ville et encore occupée militairement : il s'agit de la Citadelle de Diest. On pouvait y voir jusqu'il y a quelques années la Vestingstraat (la Rue du Rempart) répondant parfaitement à la notion ci-dessus. La Vestingstraat a été remise il y a quelques années à l'Administration des Routes en vue d'un aménagement de la voirie provinciale; elle a de ce fait perdu son statut, son appellation et sa signification ancienne. Elle était, à ma connaissance, la dernière de ce genre en Belgique.
III. Les routes militaires proprement dites
Venons-en au cas plus intéressant des routes militaires proprement dites, définies comme suit dans le Règlement des Services Techniques du Génie, "Dans les positions fortifiées, peuvent exister des "routes militaires" entre les ouvrages des lignes discontinues ou entre ces ouvrages et des routes ou chemins qui existaient lors de l'érection de la fortification.
Elles sont constituées par l'ensemble des terrains acquis ou expropriés en vue de leur construction et n'ont d'autre but que de faciliter les relations entre les ouvrages.
En ce qui concerne les routes militaires, le Département de la Défense Nationale y tolère sous certaines conditions l'accès au public, ainsi que les prises de vues et d'issue, par les propriétaires des constructions civiles riveraines".
Les routes militaires les plus couramment rencontrées en notre pays remontent à 1888, année du début de la construction d'une ceinture de forts "BRIALMONT" autour des villes de Liège et Namur.
En vue de faciliter l'exécution des travaux, l'Administration militaire avait prévu d'acquérir et de mettre à la disposition de l'entrepreneur une bande de terrain de 12 mètres de large reliant entre eux les différents ouvrages.
Cette bande de terrain d'un développement total de 60 kilomètres autour de Liège et de 40 kilomètres autour de Namur devait dans un premier temps servir à l'installation d'un chemin de fer à voie étroite dénommé "Voie stratégique", laquelle permettait d'amener à pied d'oeuvre les graviers, sables, ciments et autres matériaux et matériels nécessaires à la confection de bétons.
Dans un deuxième temps, une fois les travaux de construction terminés, cette bande de terrain devait servir d'assise à une route de liaison entre les différents forts. Cette intention initiale n'a cependant pas été traduite dans les faits pour toute une série de raisons dont les plus importantes sont reprises ci-après :
A Liège comme à Namur, la double liaison Nord-Sud impliquait le franchissement de la Meuse et de la Sambre par des ouvrages d'art coûteux; on s'est donc contenté de semi-boucles.
Certains forts, tels qu'Embourg et Boncelles n'ont pas été raccordés à la voie stratégique parce que le terrain ne convenait pas pour l'installation d'une voie ferrée (pentes trop fortes). On a donc utilisé des nacelles aériennes.
Dans le cas de Suarlée, des raisons d'économie ont fait préférer l'utilisation du réseau ferré national, avec raccordement depuis la gare de Rhisnes.
Tous ces forts ont alors été raccordés après coup au réseau routier public par des routes militaires les plus courtes possibles. On a bien sûr renoncé à exproprier une emprise de 12 mètres de large pour s'en tenir à une bande de terrain de plus ou moins 5 mètres, accotement compris.
Le réseau routier militaire comprendra ainsi dans sa phase finale (1914) les tronçons suivants :
la route militaire Hollogne-Loncin-Lantin-Liers-Pontisse,
la route militaire Barchon-Evegnée-Fléron-Chaudfontaine,
la route militaire Maizeret-Andoy-Dave,
la route militaire Emines-Cognelée-Marchovelette,
Les tronçons de raccordement des forts d'Embourg, de Boncelles, Flémalle, Suarlée, Malonne et St-Héribert au réseau public.
Pendant trois quarts de siècle, ces routes vont être systématiquement employées par les militaires chargés de l'entretien des forts, par les artilleurs de forteresse lors des manoeuvres et exercices, par les entreprises de construction ou d'armement chargées des travaux de modernisation des divers ouvrages, ainsi que par la population locale pour une utilisation domestique.
IV. Statut actuel des routes militaires
Les routes militaires liées par nature même aux forteresses qu'elles desservaient ont perdu toute utilité au moment où celles-ci devenaient caduques.
Comme l'attestent les P.V. détenus par la 5ème Direction Régionale des Constructions, les routes militaires de la place-forte de Liège ont été remises au Receveur du Domaine du ressort en 1954. Le motif invoqué et la destination future y figurent en bonne place. Citons : "Ces routes étant devenues sans utilité pour les besoins de la Défense Nationale sont destinées à être cédées aux Communes pour être incorporées aux voiries vicinales".
C'est à ce dernier titre qu'il nous est donné de les rencontrer aujourd'hui sous leur appellation ancienne.
En région namuroise, seule la route reliant la chaussée de Bruxelles (N4) au fort de Suarlée justifie encore pleinement son titre de "Route Militaire".
Toutes les autres ont été démilitarisées.
V. Invitation
On ne peut qu'inviter les archéologues militaires un peu curieux à reparcourir ces routes aujourd'hui désertées par les militaires.
A défaut d'une consultation problématique et fastidieuse des matrices cadastrales, les panneaux indicateurs qui subsistent les mettront généralement sur la voie.
Dans les autres cas, il faudra se fier à son flair, prenant en considération les quelques points de repère suivants : liaisons de fort à fort, excédents de voirie importants de part et d'autre du chemin empierré, tracé parallèle aux courbes de niveau (réminiscence de la "voie stratégique"), double rangée d'arbres (généralement érables ou chênes rouvres ou d'Amérique, provenant des pépinières militaires)...
Ce parcours permettra à tout un chacun de revivre, quelque 100 ans après, l'épopée de la construction des forts "Brialmont".
Plaques indicatrices : hier et aujourd’hui
Route militaire près du fort de Dave. Remarquez les excédents d’emprises
Fort de Suarlée : Route militaire classique de 5 m de large bordée d’érables
Fort de Suarlée : Route militaire d’accès et de contournement
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J. HARLEPIN - Visites organisées par la Section de Bruxelles

Voici quelques comptes rendus de visites que nous a transmis Monsieur J. HARLEPIN.
Bien que certaines visites ne soient pas récentes, les renseignements rapportés gardent toute leur actualité.

VISITE A OSTENDE - FORT NAPOLEON

VISITE A DUNKERQUE - FORT DES DUNES

BATTERIE DE ZUYDCOTE

VISITE DU FORT DE ZWIJNDRECHT

MONS - PLACE NERVIENNE

BINCHE

VISITE A OSTENDE - FORT NAPOLEON
Après passage devant une batterie allemande du mur de l'Atlantique, comportant 4 bunkers d'artillerie (probablement du 75), on arrive au fort NAPOLEON.
Ce fort, un moment intégré aux défenses d'OSTENDE, a fait l'objet d'un article : "De Vesting bouwkundige werken van Oostende 1572-1865 "par M. Dr Ir P LOMBAERDE de la Simon Stevinstichting - N° 2-Zomer 87.
Le fort a été construit de 1810 à 1814.
En ce qui concerne l'historique, nous renvoyons à l'article ci-dessus.
Sur place, nous avons pu effectuer une visite complète. Assez bien conservé, quoique à l'abandon, il se présente sous la forme d'une tour pentagonale de 2 étages. Elle est entourée d'un fossé bordé d'un mur de contrescarpe, également à 5 côtés. Au milieu de chacun d'eux, dans le fond du fossé, se trouve une caponnière double. Autour du mur de contrescarpe, un chemin dans les dunes permet d'en faire le tour et d'avoir une vue d'ensemble du fort.
Ce dernier est entièrement réalisé en maçonnerie.
Dans le centre de la tour pentagonale, il y a une cour intérieure. On accède au fort par une petite porte sur une des 5 caponnières. A l'intérieur un certain nombre de salles sont réparties sur 2 niveaux.
Claires et bien aérées, elles donnent sur l'extérieur par des ouvertures en forme de portes (2 par face) et servant probablement au tir de mortier. En outre, il y a un certain nombre de meurtrières (environ 25) pour tir au fusil. Certaines salles ont été cimentées (traces de l'occupation allemande) et munies de cheminées décoratives postiches en briques.
L'accès à l'étage se fait par 2 volées d'escalier en béton (1940-1945) sautées en leur milieu. Néanmoins, l'accès au premier reste possible. Cet étage mieux isolé, est aussi mieux conservé. Le tracé reprend celui de l'étage inférieur, et il y reste des traces de l'occupation allemande. L'escalier vers le toit est impraticable, mais il y a encore 2 accès d'origine par escaliers étroits, placés dans le mur intérieur.
On débouche sur le toit probablement réservé à des pièces d'artillerie et à l'observation des environs et du port d'OSTENDE.
Il reste des traces de constructions allemandes.
Les caponnières sont accessibles de l'intérieur de l'ouvrage et comportent 2 rangées de meurtrières.

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VISITE A DUNKERQUE - FORT DES DUNES
Aimablement reçus par le Lieutenant-colonel CAENEN, nous avons pu visiter en détail le Fort des Dunes, situé entre Zuydcote et Maloles-Bains
Le fort est du type Séré de Rivières mais aussi du type infanterie, sans emplacement spécifique d'artillerie. Il est complété par une batterie de la même époque, dite batterie de Zuydcote dont nous parlerons plus loin. Il a été construit après 1870 et est du type maçonnerie (aucun béton). Il n'a joué aucun rôle en 1914 (présence d'un seul lampiste). Par contre, en 1940, il a été bombardé par les stukas qui lui ont causé des dégâts et fait des victimes; les voûtes n'ont pas résisté aux bombes de 250 Kg.
L'ensemble se présente sous forme d'un rectangle entouré d'un fossé classique avec contrescarpe en maçonnerie voûtée, caractéristique des constructions SERE DE RIVIERES.
Les fossés sont défendus à l'entrée par une caponnière liée au bâtiment d'entrée; aux autres angles, ils sont défendus par une caponnière simple et une caponnière double. Ces dernières sont reliées au fort et solidaires de l'escarpe (ce n'est que plus tard que l'on passa aux coffres dans la contrescarpe).
Chaque caponnière comporte par direction de tir, une casemate Mi jouxtant une casemate canon. En outre il y a tout le tour des salles de défense rapprochée, avec orifices permettant le tir au fusil à travers le mur ainsi que le jet de grenades vers le bas.
A l'intérieur de l'enceinte, on accède à une cour centrale et à la caserne principale en face. A droite, on accède à une autre cour entourée des locaux des officiers. A gauche de la cour centrale, il en est de même, mais avec les locaux cuisines et divers locaux annexes.
Plus loin, à gauche, on accède à la poudrière (actuellement un cinéma). Celle-ci est entourée d'un couloir assurant la ventilation et l'amortissement en cas d'explosion. La salle est très sèche. On trouve à gauche et à droite à l'intérieur du fort, 2 grandes galeries reliant les 3 cours de l'arrière (coté gorge) à une "rue" allant de gauche à droite (côté front); celle-ci fait la desserte des accès sous terre vers les 2 caponnières de tête ainsi que d'un certain nombre d'abris formant "loges ou remises", (canons d'infanterie - armes diverses).
Le dessus du fort est un recouvrement de terre (ici, du sable des dunes), l'ensemble reconstituant l'aspect vallonné des dunes classiques,ce qui rend le fort peu visible même de près.
On trouve sur le dessus, quelques tranchées terminées par des postes de tir (Mi). Il y a en plus des traces de l'occupation par les Allemands (en 1940-45) : observatoire, base d'une antenne ou d'un radar.
ETAT ACTUEL: Non modernisé en 1914 et n'ayant pas combattu, il est resté dans un très bon état de conservation; en plus, il n'est pas à l'abandon. Le Lt. Col CAENEN veille à son entretien, certes limité par un manque de crédit, mais il apparaît clairement que des améliorations ont été réalisées. Le fort est d'ailleurs occupé partiellement par des sociétés de tir; il est également utilisé à des entraînements d'ordre sportif.
Les seuls dégâts non réparés complètement sont ceux de 1940, par des bombes de stukas (voir X sur le croquis ci-après).

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BATTERIE DE ZUYDCOTE
Afin qu'il n'y ait pas de confusion, précisons que le terme "batterie" est à comprendre au sens d'un ouvrage détaché, avancé, complétant le système défensif, ici, du type SERE de RIVIERES. Il reste des traces visibles : casemates, galeries, fossé avec contrescarpe, en maçonnerie, tout comme le Fort des Dunes.
L'ensemble a été fortement abîmé et modifié par les Allemands en vue d'en faire un centre défensif comportant divers éléments pouvant faire penser à une batterie allemande du type mur de l'atlantique.
En fait, les allemands ne semblent pas y avoir installé une batterie, mais un ensemble d'ouvrages faisant penser, à première vue à une combinaison d'un poste de contrôle et de direction de tir avec un ensemble de radars.
Essayons de faire le relevé des principaux blocs et installations.
On y voit notamment :
des casemates réutilisées dans les anciens bâtiments
deux casemates avec tôle ondulée (type métro)
des garages ajoutés aux anciens bâtiments
un gros poste de tir, à double étage (observation + télémétrie) et cela selon une disposition classique et connue.
Toutefois, il y a une anomalie à l'arrière : la porte d'accès est protégée par une masse de béton oblique placée en arc-boutant
- un encuvement type FLAK (avec axe central en métal encore présent); il est placé immédiatement à coté du poste de tir.
- sous l'encuvement précédent, un bunker classique, type casernement, dont l'entrée est protégée par une chicane (mur béton)
- plus loin, un bunker plus élevé et d'une forme un peu spéciale (observation ou tir Mi.). La visière est coupée par 2 gros montants ce qui exclut l'idée d'un poste de contrôle de tir, comme le précédent.
A l'arrière, il y a sortie d'évacuation de forme tronconique, probablement pour ventilation forcée. A proximité il y a un socle (support d’antenne ou radar)
- deux encuvements (dont un bouché), de grand diamètre, apparemment FLAK, mais avec au centre un support non circulaire, asymétrique et en maçonnerie bricolée (mélange de briques et blocs de béton non standards. Serait-ce un support d’antenne ?)
- sur l'avant, à front de mer, il y a plusieurs blocs en contrebas avec orientation vers le large (Mi - canons - défense rapprochée).
- il y a plusieurs Tobrouks (hors standard), répartis sur l'ensemble de la position. Ils sont équipés de niches sur le pourtour intérieur.
Bref, l'ensemble forme une position difficile à définir. Il n'y a pas d'homogénéité. L'impression est qu'il s'agit d'un ensemble disparate pouvant faire penser à un poste de direction de tir doublé d'éléments de détection (radar).
On a fait appel manifestement à des matériaux trouvés sur place pour modifier ou parachever (pénurie ?). On y voit des palplanches utilisées comme coffrage (proximité d'une usine métallurgique) ainsi que des parpaings et blocs de béton de récupération.
Un article concernant cette batterie, bien illustré de plans et de photos, peut être consulté dans le numéro 189 (avril 2002) du Magazine 39-45.

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VISITE DU FORT DE ZWIJNDRECHT
Visite organisée par la SIMON STEVINSTICHTING, le 11/2/89.
Il s'agit d'un fort Brialmont, mais sortant quelque peu des idées de ce dernier; en effet, Brialmont était partisan du réduit central, ce qui n'est pas le cas ici. Similaire au fort de Cruybeke, il est différent de la plupart des autres forts de la région d'Anvers. C'est un fort érigé, au départ, en maçonnerie avec retranchements en élévations de terre, les canons sont à ciel ouvert derrière des parapets enterrés et protégés par des traverses. Il comporte une grosse batterie sur le front qui est rectiligne.
Au centre du front, il y a une caponnière double pour le flanquement des fossés du front (système polygonal).
La batterie ci-dessus est doublée par une deuxième batterie parallèle, prévue pour le tir indirect et formant retranchement. A gauche et à droite se trouvent 2 batteries latérales, également sous forme de retranchements.
A la gorge, se trouve un assez important redan, servant de caponnière double pour la défense des fossés de gorge et aussi de batterie Traditore.
Les entrées : il n'y a pas une entrée à la gorge, mais 2 entrées situées au centre des fossés de gorge; une entrée possède un pont et une poterne précédant un long couloir; l'autre entrée, symétrique, n'a pas de pont mais seulement une poterne, précédant un couloir plus court. C'est vraisemblablement une entrée de réserve. Il n'y a pas de galerie en capitale, mais seulement la galerie de l'entrée principale gauche, laquelle se prolonge jusqu'à la caponnière simple de défense du fossé gauche ainsi qu'à la poudrière. Cette galerie dessert les 2 cours du fort.
Les casernes : on trouve une caserne d'infanterie sous le retranchement frontal et une seconde sous le retranchement central. Dans celle de front, il y a un couloir en U permettant d'abriter une batterie à cheval. On trouve un pavillon pour officiers au milieu du fort, plus haut que la caserne du retranchement pour une question de défilement.
Le fort est équipé de poudrières (au moins quatre) en parfait état; elles sont à doubles parois et les deux principales sont situées à coté des caponnières latérales; ces dernières sont constituées de casemates à la HAXO (casemates frontales pour canons de 12).
Le fort a été renforcé en 1912 et son aspect est un peu différent de sa situation originelle; en particulier le front a été simplifié et des parties ont été bétonnées, dont la double caponnière de tête et la galerie principale ainsi que quelques abris. Manifestement le travail a été limité suite à des crédits également limités. Chose curieuse, on trouve des ascenseurs à canons, entre autres, au bout de la galerie principale.
Actuellement, le fort est occupé par l'armée et n'est pas visitable sans son autorisation.

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VISITE DU 4/3/89 DU C.L.H.A.M. EN COMPAGNIE DE LA SOCIETE ROYALE D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DE TOURNAI
1. MONS - PLACE NERVIENNE
Nous avons eu l'occasion de visiter les casemates de l'époque hollandaise situées place Nervienne; il reste peu de vestiges de la fortification à Mons qui fut une ville fortifiée en son temps; aussi, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons noté cet ensemble de casemates en très bon état; elles s'inscrivent dans un pentagone irrégulier. Ce dernier devait être placé à l'intérieur d'un bastion dont les terres sont aujourd'hui disparues.
L'ensemble est constitué de longues salles casematées, disposées en V et destinées au logement de troupes. Elles sont entourées complètement, à l'exception de la façade, par une grande galerie comportant un grand nombre de logettes qui étaient des caves à canons. Il devait s'agir de mortiers tirant en tir courbe par dessus les remparts vers l'extérieur de l'enceinte.
Le tout est dans un très bon état de conservation. Outre son intérêt historique, cet ensemble recèle un intéressant musée de la route où se trouvent rassemblés divers anciens objets en relation avec les travaux routiers et la signalisation, toutes choses qui nous rappellent les années d'avant guerre. On y trouve des rouleaux compresseurs, des niveleuses et diverses machines de l'époque antérieure aux années 50. On y voit des outillages et équipements de cantonniers, de paveurs, etc. La signalisation avec ses plaques diverses est bien représentée.
L'animateur de ce musée est Mr Van MOL, passionné d'Archéologie militaire et qui nous a aimablement reçu et guidé.

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2. BINCHE
L'après midi s'est poursuivi à Binche, connu surtout pour son carnaval, mais qui est aussi une vieille ville médiévale, possédant encore une enceinte murale bien conservée.
La ville n'ayant pas connu d'extension industrielle et ayant entre-temps perdu tout intérêt stratégique, il en est résulté un maintien sans ajoute, modification ou démolition, de l'enceinte originale.
C'est au milieu du XIIème siècle que Binche reçut de Baudouin le Bâtisseur, sa première enceinte fortifiée, qui, renouvelée et amplifiée au siècle suivant, marque encore de nos jours le pourtour de la ville. La ville de Binche est marquée par le passage de MARIE d'AUTRICHE, soeur de CHARLES QUINT, née en 1503 et veuve à 23 ans du Roi LOUIS de HONGRIE (d'où son titre de Reine et son appellation plus courante : Marie de Hongrie).
Devenue, en 1531, gouvernante générale des Pays Bas, elle reçut en 1515, en apanage viager, la prévôté de Binche. Elle y fit construire un vaste palais dans le style de la Renaissance Italienne, dont on peut voir quelques vestiges encore de nos jours.
Il est à remarquer que BINCHE s'est, à une certaine époque orthographié "BINCH".
Nous y avons visité entre autres :
l'hôtel de ville très ancien
la tour de la sorcière
les remparts principaux du faubourg St Paul et du Pasty
la collégiale St URSMER
le parc au dessus des remparts
les ruines du château de MARIE de HONGRIE.
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J. HARLEPIN - A propos de la bataille de l'Yser

Dans le cadre des 75 ans (octobre 1914 - octobre 1989) depuis l'événement et à l'occasion d'une visite faite par la section de Bruxelles du C.L.H.A.M. à YPRES et à DIXMUDE, nous croyons utile de rappeler quelques faits saillants de cette année 1914 et en particulier de la bataille de l'YSER.
I. RAPPEL CHRONOLOGIQUE
Pour situer la bataille de l'Yser dans le cadre de l'offensive allemande de 1914, nous croyons bon de rappeler les événements principaux de cette campagne.
A. Du 4 AOUT au 15 AOUT 1914
Le 4 août, les armées allemandes envahissent la BELGIQUE. De grosses masses déferlent sur notre pays selon le plan SCHLIEFEN, qui a déjà été exposé dans le bulletin Tome IV, fasc. 2.
L'armée belge part en guerre avec environ 117.000 hommes pour l'armée de campagne. Les hostilités commencent par l'attaque de LIEGE et, par voie de conséquence, les forts (fortification permanente) vont jouer un rôle non négligeable. Leur constitution et leur histoire sont connues des membres du C.L.H.A.M. Les derniers forts tomberont les 16 et 17 août.
B. Du 6 AOUT AU 20 AOUT 1914 - POSITION D'ATTENTE SUR LA GETTE
Dans l'attente, vaine, de l'arrivée des Alliés, l'armée belge marque un temps d'arrêt, jusqu'au 18 août, sur la GETTE. C'est pendant cette période qu'eut lieu le combat de HAELEN, le 12 août. Les Allemands furent stoppés.
Mais peu à peu, les combats reprirent. Les Allemands se faisaient pressants. Le point culminant fut alors le combat de HOUTEM Ste MARGUERITE. A ce moment, pour éviter un désastre, et les Alliés ne s'étant pas encore manifestés, le Roi Albert décida la retraite sur la DYLE. Citons encore un combat important à AARSCHOT.
C. Du 19 AOUT au 25 AOUT 1914 - ATTAQUE DE NAMUR
Par rapport à Liège, on peut remarquer que les Allemands ne risquèrent plus d'attaques d'infanterie contre les forts; ils mirent immédiatement leur grosse artillerie en oeuvre. Le bombardement commença le 21 août. Ici, on vit apparaître pour la première fois des Français, le 22 août. Les Belges résistèrent tant que les forts tinrent, mais l'histoire de ceux-ci fut similaire à celle des forts de Liège.
Pendant ce temps, la bataille sur la Gette se terminait par un repli.
NAMUR couvrait ce repli par sa résistance. La situation devenant critique, le repli fut décidé aussi à Namur et se fit le 24 août. La 4e Division d'Armée et les Français reculèrent en direction du sud et les unités belges furent ramenées à ANVERS pour le 2 septembre.
D. Du 25 AOUT au 27 SEPTEMBRE - OPERATIONS AUTOUR D'ANVERS
Cette phase est quelque peu différente. Les Allemands essayent de continuer leur offensive selon le plan Schliefen et laissent les Belges sur leur flanc droit, sans trop s'inquiéter. Quelques troupes masquent les Belges qui ne sont plus "dans le chemin". Mais c'est compter sans leur vaillance et leur pugnacité.
La position d'ANVERS était en fait un danger pour les communications allemandes passant par Bruxelles. Aussi les Belges se payèrent-ils le luxe d'effectuer DEUX SORTIES offensives qui gênèrent les Allemands, surtout au moment du coup d'arrêt donné sur la Marne. Cette situation amena les Allemands à décider d'éliminer les Belges; ce fut le siège d'ANVERS.
E. Du 28 SEPTEMBRE au 10 OCTOBRE - LE SIEGE D'ANVERS
La chute de Maubeuge (bataille de la Sambre) rendit libre l'artillerie allemande. Celle-ci fut ramenée devant Anvers et le siège des forts du camp retranché fut entrepris selon une méthode maintenant bien au point. Les Allemands écrasèrent les forts sous une puissante artillerie, située au-delà de la portée des pièces belges. Le sort des forts ne pouvait laisser aucun doute. Néanmoins, les Belges résistèrent à Anvers jusqu'au 9 octobre.
Ici aussi, on commença à recevoir l'aide alliée sous la forme de quelques unités britanniques qui participèrent aux combats d'Anvers (6 octobre).
La capitulation se fit le 10 octobre... mais l'armée belge avait entre-temps évacué la ville et était en retraite, en bon ordre.
Les Allemands furent bien déçus de n'avoir pu prendre l'armée belge au piège. La retraite était dangereuse car l'armée belge défilait parallèlement au flanc droit de l'armée allemande dans sa course à la mer. En effet, n'ayant pu emporter la décision sur la Marne, les Allemands, qui disposaient, en vertu du plan Schliefen, de masses de troupes dans le nord, s'efforcèrent de déborder l'aile gauche française. Les Français avaient en effet concentré leur armée dans l'est et ils durent s'activer pour ramener ces troupes sur leur gauche afin d'éviter le débordement. C'est ce qu'on a appelé "la course à la mer".
Il était inévitable que le coup d'arrêt devait avoir lieu aux abords de la mer où on trouvait sur place : les Belges qui retraitaient d'Anvers, les Anglais qui commençaient à débarquer et quelques troupes françaises.
Et ce fut "l'YSER". Ce fut là aussi que les Belges reçurent l'appui des armées alliées et que l'on put former bloc pour arrêter les Allemands.
F. Du 15 OCTOBRE au 1er NOVEMBRE - LA BATAILLE DE L'YSER
Après la retraite à travers les Flandres, les Belges, réduits à 70.000 hommes, vinrent s'aligner sur une position qui longeait en pratique l'YSER, avec une tête de pont à DIXMUDE et une à NIEUPORT. L'armée s'étirait jusqu'à Boesinghe où elle se rattachait aux Français (sur l'Yperlée).
Dans la région d'YPRES, se trouvaient les Anglais qui, en fait, occupaient un large saillant devant la ville d'Ypres, jusque Langemarck, Zonnebeke, Gheluveit (voir croquis 1).
Le 15 octobre, les Belges sont prêts et divers renseignements sur les mouvements des troupes allemandes laissent prévoir une attaque prochaine. La bataille a lieu le long de l'Yser et elle se déroule sans esprit de recul de la part des Alliés. Pourtant les Allemands, qui terminent leurs préparatifs et disposent de plusieurs corps d'armée, semblent bien décidés à percer, soit sur l'Yser, soit sur Ypres, soit plus au sud encore si nécessaire. La bataille est dure et a lieu en rase campagne.
G. LA BATAILLE PROPREMENT DITE
Carte
Le 16 octobre, une première attaque sur DIXMUDE, occupée par les fusiliers marins de Ronarc'h est un échec pour les Allemands. La forêt de HOUTHULST est citée parmi les combats (action du Corps de Cavalerie belge).
Le 18 octobre, les Allemands attaquent LOMBARTSIJDE et les environs.
Le 19, c'est de nouveau au tour de DIXMUDE. Le 20, les Belges n'occupent plus sur la rive droite de l'Yser, entre Dixmude et la mer, que les têtes de pont aux extrémités du front (Lombartsijde et Dixmude).
Les Allemands s'alignent le long de l'YSER, et, comme ils ne parviennent pas à forcer les extrémités, ils vont attaquer au centre. Plus au sud, les attaques allemandes se multiplient contre les Anglais et les Français (à Arras entre autres).
Le 21, le déploiement des Allemands est achevé et ceux-ci procèdent sur l'Yser à un bombardement en même temps qu'ils attaquent à nouveau DIXMUDE et YPRES. Une crise se produit dans la boucle de TERVAETE et à STUYVEKENSKERKE : les Allemands ont réussi à traverser l'Yser. Le 25, l'ennemi continue son effort sur le centre belge, sans réussir à l'ébranler.
C'est alors qu'est prise la décision d'inonder la région (le 25 octobre).
Le principe en est simple : il suffit d'utiliser les écluses de NIEUPORT qui règlent l'écoulement des eaux de l'Yser en les faisant travailler à l'envers.
On bouche les trous et passages dans le remblai du chemin de fer Nieuport-Dixmude et l'eau commence à s'accumuler lentement dans les prairies.
Le 27 octobre, après d'autres essais ailleurs sur la LYS, les Allemands diminuent leur pression sur les Belges.
Le 29 octobre, l'activité des Allemands reprend sur le front belge (l'empereur est arrivé à Thieit le 26). Il y a attaque à PERVIJSE : échec allemand.
On se bat à POELCAPPELLE et PASSCHENDAELE, à ARMENTIERES et à RAMSCAPPELLE.
Le 30, l'action reprend sur tout le front, de la mer à LA BASSEE. Malgré des combats violents, les Allemands ne peuvent percer et, le 31, la crise se dénoue pour les Belges; c'est l'échec pour les Allemands.
Il y a encore d'âpres combats contre les Anglais et les Français, mais, le 1er novembre, les Allemands commencent la retraite devant les Belges et l'inondation. C'est la victoire, mais à quel prix ! L'armée belge est réduite à 50.000 hommes.
Carte
Après les durs combats de la deuxième quinzaine d'octobre 1914, le front se stabilise à peu près suivant le dessin ci-dessus
II. LA STABILISATION
Après la bataille de l'Yser, qui terminait la première phase de la campagne (la guerre de mouvement) et marquait l'arrêt et l'offensive allemande, il y eut sur l'ensemble du front une stabilisation; celle-ci dura 4 années.
Voyons comment était le front le 30 octobre, après les durs combats qui stoppèrent les Allemands (croquis 2).
Le front belge commence à NIEUPORT avec une tête de pont sur la rive droite de l'Yser (voir photo 3 du grand redan de Nieuport). LOMBARTSIJDE, longtemps disputée, est sur la ligne de front. Les Belges restent maîtres du jeu d'écluses commandant l'inondation. Ces écluses sont situées au pied du monument actuel au Roi Albert. Ensuite le front rejoint le remblai formé par le chemin de fer Nieuport-Dixmude qui sert de barrière à l'inondation. Celle-ci occupe surtout le no man's land entre le remblai et l'Yser qui forme un arc de cercle. Les Allemands devront évacuer cette zone.
En approchant de DIXMUDE, le front quitte le chemin de fer au nord-ouest de cette ville. Celle-ci est d'abord tenue par les Belges (avec l'aide des Français - tête de pont). Mais assez vite, les Allemands s'emparent de la ville et les Belges se maintiennent sur la rive gauche. Le front descend alors le long de l'Yser (rive gauche), puis de l'Yperlée (rivière canalisée).
Au sud de Dixmude, les Belges occupent le long de l'Yser et de l'Yperlée les villages de DRIEGRACHTEN, LUYGHEM, STEENSTRAETE, MERCKEM et BOESINGHE. A ce dernier point, les Belges font la jonction avec les Français.
Au sud, nous trouvons les Anglais, qui occupent Ypres ainsi qu'une tête de pont englobant les villages de LANGEMARK, ZONNEBEKE, GELUVELT, POELCAPPELLE, PASSCHENDAELE, BECELAERE, ZANDVOORDE, HOLLEBEKE.
C'est le SAILLANT D'YPRES, qui fut le théâtre d'âpres combats.
Le front descend ensuite en direction sud vers Armentières.
A noter que les Belges disposaient d'une deuxième ligne de défense : le canal de LOO qui, en fait, n'eut jamais à servir. Entre ce dernier et le remblai du chemin de fer, les Belges construisirent un vaste réseau de tranchées constituant un front qui, couvert par l'inondation, résista durant quatre années.
QUELQUES POINTS SAILLANTS
1. Dans la zone limitée par la boucle de l'Yser à l'est et le remblai du chemin de fer, entre Nieuport et Dixmude, se situe donc une zone inondée que les Allemands ont dû évacuer.
A certains endroits, il subsiste des points hauts, non inondés, des chemins, des fermes, des villages (églises). Il est évident que ces points émergents vont revêtir une importance stratégique pour les deux adversaires; ce sont des points d'observation indispensables pour la poursuite des combats. On est dans un no man's land et les adversaires vont s'efforcer d'occuper ces points. Cela va donner lieu à des activités de patrouilles chargées d'occuper, de défendre, voire de réoccuper ces postes par des coups de main.
La simple constitution de ces postes (P.O. et grand'gardes) était un exploit en soi; en effet, l'inondation interdisait de creuser le sol détrempé; il fallait donc utiliser au mieux les ruines existantes et compléter les tranchées par apport de matériaux (sacs de terre). Cela se faisait de nuit, à dos d'hommes, sur des passerelles branlantes, installées au travers des inondations.
Outre le problème matériel de ces entreprises, il fallait compter avec la présence de l'ennemi, qui connaissait ces travaux et, par des bombardements et des tirs de mitrailleuses, essayait, jour et nuit, de les entraver. D'où l'insécurité et de nombreuses victimes.
Des noms de villages reviennent dans les récits : Ramscappelle, Pervijse, la boucle de Tervaete, Oud-Stuyvekenskerke. Pour ce dernier village, l'église a servi de P.O. d'artillerie : voir l'épopée du capitaine Martial LEKEUX (se référer à ce sujet à l'article de A. Gany, dans le bulletin Tome IV, fasc. 2).
2. Le Boyau de la Mort à Dixmude
A l'endroit où le front, venant du remblai, aborde l'Yser en face de Dixmude (à peu près où se trouve l'actuelle Tour de l'Yser), il existait une langue de terre suivant la rive gauche dans le sens vers l'aval. Les Belges décidèrent de l'occuper pour renforcer leur front.
Ce bout de terrain (connu sous le nom de la Borne 16) était très exposé aux tirs ennemis. Les travaux furent commencés à la sape (*) sur quelques centaines de mètres. Ils s'arrêtèrent lorsque les Belges se rendirent compte que les Allemands, présents un peu plus loin sur la même rive, procédaient de même. Le morceau de tranchée ainsi construit le long de l'Yser allait devenir le Boyau de la Mort. Ce dernier, tel qu'il est de nos jours, comporte deux éléments placés en forme de V (voir croquis 4 et 5) :
a) une tranchée qui longe la rive de l'Yser. Cette tranchée est double et comporte en première ligne une tranchée en zig-zag qui est la tranchée de combat. Elle est doublée par une tranchée de liaison, en ligne droite, avec, à intervalles réguliers, des liaisons avec la tranchée précédente. Au bout de la tranchée de combat, il y a des postes d'observation. Plus en avant (à une cinquantaine de mètres), se trouve un gros abri en béton.
b) à 90° de la tranchée ci-dessus, se trouve un autre ouvrage, dit "du Cavalier", qui est constitué aussi d'un double réseau de tranchées; l'une située à l'arrière, sert à desservir la tranchée principale qui, elle, est surélevée et construite sur un réseau d'abris souterrains. Cette partie surélevée comporte, outre des postes de tir, des postes d'observation.
Nous retrouvons dans ces deux éléments des principes que l'on rencontre dans toute fortification, qu'elle soit permanente ou passagère. La disposition en ligne tronquée permet d'intercaler de place en place des traverses empêchant le tir d'enfilade au cas où l'ennemi parviendrait à s'introduire dans un élément de la tranchée. Dans la traverse, il y a, en plus, une meurtrière permettant de contrer l'adversaire.
Sur la deuxième partie (b), on retrouve l'idée du cavalier (point surélevé d'où l'on surplombe l'ennemi), lequel existe dans certains forts. Evidemment, dans notre cas, la surélévation est faible, mais cela suffisait dans cette Flandre très plate, pour observer les Allemands sur l'autre rive.
Nous avons retrouvé un plan dans le livre "Les Sites de Guerre" - Campagne 1914-1918 - Brochure n° 2. Celui-ci donne la disposition des lieux vers la Borne 16, en octobre 1915 (croquis 4).
Le boyau actuel est un morceau d'un ensemble plus conséquent, s'intégrant dans un vaste réseau de tranchées ou boyaux de circulation. On y reconnaît : le Cavalier, le Boyau de la Mort à la Borne 16 et la Tête de Sape. On remarque également les fermes formant points de repère et centres de résistance.

(*) N.d.l.r. : des explications sur les travaux de sape sont donnés dans le bulletin Tome IV, fasc. 3, pages 67 et 68.

Beaucoup de tranchées étaient constituées de sacs de terre mais, par la suite, on utilisa des sacs remplis de béton, ce qui résistait mieux à la pluie et aux projectiles. Le béton fut aussi abondamment utilisé pour les abris, ce qui améliora un tant soit peu le confort et la sécurité des soldats.
3. Nous ne pouvons pas évoquer la bataille de l'Yser sans mentionner "STEENSTRAETE", nom qui est attaché au premier emploi par les Allemands de cette terrible arme qu'est le GAZ DE COMBAT.
L'Allemand, qui cherche la victoire à tout prix, attache une certaine importance au SAILLANT D'YPRES (boucle du front à l'est d'Ypres), tenu par les Anglais, qui ont les Belges sur leur gauche (entre Boesinghe et Dixmude).
Il veut prendre la ville d'YPRES. La jonction entre les deux armées, belge et anglaise, est un point faible, comme toujours dans ce cas. Après une formidable préparation d'artillerie, l'ennemi envoie à l'assaut environ 100.000 hommes.
En même temps, il accompagne cette attaque de l'emploi de gaz asphyxiants. La surprise lui permet de prendre pied à Steenstraete chez les Belges et à Saint-Julien chez les Anglais.
Ce gaz, inconnu alors des Alliés, prit le nom d'"YPERITE" à cause de son emploi dans la région d'YPRES. Les gaz firent dès lors partie des misères subies par les troupes alliées sur leurs fronts respectifs. Encore de nos jours, on retrouve de ces obus à gaz enfouis dans les champs de la Flandre ou en mer.
4. YPRES, ville fortifiée, très ancienne, eut beaucoup à souffrir des combats de 14-18. En fait, tout comme Nieuport et Dixmude, la ville fut pratiquement rasée, y compris ses églises et sa célèbre Halle aux Draps.
Actuellement, la ville a été reconstruite en respectant son style original.
Ypres est une ville du moyen âge qui comportait de nombreux monuments, édifices, etc. dont certains dataient de l'an 1073. La ville, dans le cours de son histoire, fut fortifiée par une muraille avec des tours. Vauban intervint, modifia et renforça le système existant. On en retrouve de nombreuses traces aujourd'hui. L'est de la ville comporte un mur bastionné (bastion avec orillons), mais de faible profondeur, sans lunette, tenaille ou contre-garde. Au sud, la fortification revêt l'aspect classique du système bastionné, avec fossé humide et demi-lune. Il faut toutefois mentionner que la Porte de Lille, à l'Ouest (complètement restaurée) a gardé le système de murs avec tours incorporées. Quelques vestiges restent, tels que : anciens appels d'air pour casemates, petite écluse, demi-lunes, casemates voûtées, restes d'une ancienne tour, magasin à poudre (hollandais !)
A noter que pendant les combats, en 1914, les casemates ont bien résisté et ont été utilisées comme abris divers par les Anglais. Pendant les 4 ans, Ypres fut une ville immédiatement située derrière le front, qui formait à l'est ce qui est connu sous le nom de "SAILLANT D'YPRES". De furieux combats émaillèrent les années noires. Un musée consacré aux. événements est visitable.
5. La Minoterie de DIXMUDE
Nous pensons qu'il est également bon de rappeler l'existence d'un point d'appui qui joua un grand rôle dans la bataille de l'Yser. Il s'agit de la Minoterie (meunerie). C'était un bâtiment industriel assez vaste, haut et solide. De plus, sa situation (le long de l'Yser, rive droite, pratiquement en face de la tour de l'Yser actuelle), était exceptionnelle. Inutile de dire son importance comme point d'observation.

(*) N. d.l.r. : tous les soirs, à 20 heures, des clairons sonnent le "Last Post" au monument mémorial de la Porte de Menin, où sont écrits les noms de 5.896 soldats britanniques et du Commonweaith, morts dans le Saillant d'Ypres.

(voir le Recueil 1914-1918, Liège-l'Yser, édité pour le 75e anniversaire de la "Grande Guerre" par le C.L.H.A.M.).
Les Belges en firent un observatoire d'artillerie qu'ils utilisèrent pendant la bataille de l'Yser, du 25 au 31 octobre. Déjà à ce moment, les Allemands lancèrent une attaque locale à Dixmude qu'ils purent ainsi occuper, y compris la Minoterie : celle-ci devint un observatoire allemand. Ces derniers fortifièrent ce P.O. avec du béton et, pendant 4 ans, ce point fut le cauchemar des Belges, à cause, non seulement de la possibilité d'observation, mais aussi de la présence de mitrailleuses et de minenwerfers qui arrosaient les positions belges. Le Boyau de la Mort fut fréquemment l'objet de ses tirs. Aucun bombardement, aussi fort fut-il, n'en vint à bout.
NIEUPORT - Photo aérienne du Grand Redan (10 août 1918)
CONCLUSION
Ce bref rappel d'événements déjà vieux de 75 ans ne doit pas nous faire oublier les souffrances de ceux qui ont eu à subir toutes les misères de la vie des tranchées. SOUVENONS-NOUS... POUR L'AVENIR !
Boyau de la Mort et Cavalier. Opérations qui se sont déroulées de mai à fin octobre 1915 au nord et à l'est de la borne 16 de l'Yser
Plan de la zone environnant le Boyau de la Mort à Dixmude. La zone n'est pas assez inondée pour la laisser vide et inoccupée
Ce sont les Belges qui ont pris possession d'une bonne partie, mais les Allemands sont aussi présents. On y reconnaît, outre le Boyau de la Mort, le Cavalier et le réseau de tranchées qui lui était associé.
BIBLIOGRAPHIE
- La campagne de l'Armée belge, du 31/7/14 au 1/1/15 Publication du Journal le XXème Siècle. Blond et Gay, éditeurs.
- Guide du champ de bataille par De Backer et Goffard.
- Les Sites de Guerre - Campagne 1914-1918. Documentation aimablement prêtée par Mr Pirmez.
Les croquis 1 à 4 sont extraits des documents ci-dessus.
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Appel

Des sympathisants nous remettent des photos et des documents qui enrichissent la bibliothèque du C.L.H.A.M. et qui nous permettent de présenter dans les bulletins ainsi que lors de nos expositions, des témoignages inédits.
Par exemple, ci-dessous, deux photos prises par un combattant de 14-18 et la reproduction partielle de deux cartes d'état-major de 1917.
Dans le même ordre d'idées, il serait intéressant de recevoir des documents et des photos concernant la guerre 40-45 et l'occupation.
Lorsque l'on "vide les greniers", plutôt que de jeter des documents ou des objets, quels qu'ils soient, il convient de se demander s'ils ne pourraient pas être conservés dans un musée, ou au C.L.H.A.M. pour ce qui concerne l'histoire et l'archéologie militaires.
Merci d'avance.
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P. BEAUJEAN - Août 1914, rue Commandant Marchand, un bâtiment, deux histoires

En 1972, existait encore, rue Commandant Marchand, à Liège, un bâtiment ayant appartenu à la Défense Nationale et qui fut détruit pour permettre l'agrandissement de l'Athénée Liège 2. Cette école occupait déjà, dans des pavillons, le site voisin de la défunte Fonderie des Canons, entre le quai Saint-Léonard et la rue Saint-Léonard.
LA MORT DU COMMANDANT CHARLES MARCHAND
Le Commandant Marchand
En 1914, à l'aube du 6 août, cette maison qui abritait le Q.-G. du lieutenant-général LEMAN, commandant la Position Fortifiée de Liège, fut attaquée par une petite troupe allemande. Il s'agissait d'une fraction de pointe d'une troupe de reconnaissance du 7e Bataillon de Chasseurs de la 34e Brigade qui, à la faveur de l'obscurité et de la percée produite dans l'intervalle Liers-Pontisse, avait pu s'aventurer jusque dans la ville et, profitant de la méprise de quelques habitants matineux, était parvenue rue Sainte-Foy, sans que l'alarme fut donnée.
Il était 5 heures environ, lorsque deux officiers allemands suivis de trois "feldgrauen", apparemment non armés, arrivèrent inopinément à hauteur des bureaux du général LEMAN. Ils étaient suivis, à quelque distance, d'un petit groupe de soldats portant le fusil en bandoulière, la baïonnette au canon, marchant sans aucune hâte. Ils étaient escortés de civils qui les acclamaient, croyant, paraît-il, qu'ils étaient des Anglais. (*)

(*) Ce sujet a été développé par L. RUTHER dans "COUPOLES" N° 1/88, bulletin trimestriel de l'A.S.B.L. "Front de Sauvegarde du Fort de Loncin".

Les commandants d'état-major VINCOTTE et MARCHAND, attirés au dehors par le bruit, ne virent d'abord que le groupe des officiers. N'apercevant, en leurs mains, aucune arme, mais des gants et des mouchoirs blancs, ils se méprirent et crurent avoir affaire avec de nouveaux parlementaires. Ils s'avancèrent donc vers le chef de groupe et s'apprêtaient à l'interpeller quand celui-ci, le major von ALVENSLEBEN, suivi d'un même élan par ses acolytes, démasqua brusquement ses armes, fit feu et se rua vers l'entrée des bureaux.
Avant qu'il eût franchi le seuil, le commandant VINCOTTE l'abattit d'un coup de pistolet, pendant que le capitaine de gendarmerie LHERMITTE fracassait la tête au second officier d'un coup de crosse d'un fusil qu'il venait de ramasser. Mais les soldats de l'escorte avaient aussitôt ouvert le feu et le commandant MARCHAND tombait mortellement frappé, quand déboucha dans la rue le gros de la troupe de reconnaissance.
Les chasseurs tentèrent aussitôt, à leur tour, d'envahir les bureaux mais ils furent abattus sur le seuil par les commandants VINCOTTE et LHERMITTE auxquels, sur ces entrefaites, s'étaient joints les commandants de KRAHE, HAUTECLER et RENARD, ainsi que les gendarmes, les plantons et les soldats employés à l'état-major.
En quelques secondes, une quinzaine d'Allemands, fusillés du haut des fenêtres du bâtiment, jonchèrent les pavés. Le restant des agresseurs tourbillonna et réussit à prendre la fuite.
Mais cet attentat contre le Gouverneur de la Position, heureusement avorté grâce au dévouement et au sang-froid de ses sous-ordres eut comme conséquences fâcheuses, tout au moins, celle de faire croire à la percée définitive des intervalles, à l'arrivée imminente des troupes assaillantes dans la ville, et celle d'amener le Commandant de la Position à devoir déplacer son Q.G., à un moment où les communications d'ordres et de renseignements ne souffraient pas de retard.
Le général LEMAN se retira donc au fort de Loncin, où il fut relevé par les Allemands, presque mourant, le 15 août, lorsqu'au cours d'un bombardement effroyable, un obus de 420 mm ayant éclaté dans le magasin à poudres, l'ouvrage eut fait explosion, devenant le tombeau de 350 de ses défenseurs.
Le texte qui précède, écrit par le capitaine-commandant E. MENZEL, et emprunté à "NOS HEROS, morts pour la Patrie", nous apprend donc qui était le commandant MARCHAND, dont le nom fut donné à la rue où se situait le Q.G., rue qui relie le quai de Coronmeuse à la rue Saint-Léonard, en passant devant l'église Sainte-Foy.
La rue Commandant Marchand, à Liège, en juillet 1972
Le QG du général Leman, rue Sainte-Foy, actuellement rue Commandant Marchand
En septembre 1973, tous les bâtiments du site (Fonderie des Canons, Magasin de Carburants et Lubrifiants, ancien QG), ont été rasés, laissant visible la rue Commandant Marchand et l'église Sainte-Foy
LES AGENTS DE LIAISON MOTOCYCLISTES DE LA 3 D.A.
Sur la façade du même bâtiment, jusque peu de temps avant sa démolition, était apposée une plaque portant le texte ci-dessous :
"L'officier qui créa et commanda l'unité était le lieutenant Albert SNYERS."
Le présent texte s'inspire largement du chapitre "Naissance de la motorisation à l'armée belge" du Livre d'Or de l'Automobile édité par le Royal Motor Union. Nous nous référons également à la plaquette catalogue "Cycles et Motocycles des origines à 1935", éditée par le Musée de la Vie Wallonne en 1971, dans lequel Philippe Questionne relate l'histoire de la vélocipédie militaire et de la motorisation. SNYERS a lui-même écrit des articles dans "Belgique Militaire" en 1937 et 1939.
Si en France, la motorisation n'était nulle part avant 1910 et guère importante avant 1914, en Allemagne un effort considérable avait été accompli depuis les manoeuvres de 1908 et, au 1er août 1914, la seule armée de von Bulow disposait de plus de 4.000 motos.
En Belgique, rien n'existait, et si la F.N. équipait l'armée russe, elle n'avait eu à livrer que quelques machines à l'armée belge en vue de timides essais.
En 1910, quatre cyclistes du Bataillon des Carabiniers furent envoyés à la F.N. pour suivre un cours élémentaire de formation, puis participèrent à divers exercices et manoeuvres.
Les résultats s'étant avérés favorables, le contingent fut doublé en 1911, de telle sorte qu'en août 1914, l'armée belge comptait... huit motocyclistes.
En quatre roues, d'ailleurs, la situation n'était guère meilleure et, à la déclaration de guerre, l'ensemble du parc se limitait à quatre voitures pour la Compagnie spéciale du Génie et 6 voitures pour l'Ecole d'Aviation de Brasschaat, plus quelques tracteurs Latil à l'artillerie. La motorisation se fit, en fait, par réquisition, à partir du 4 août 1914. Heureusement certains ne furent pas pris complètement au dépourvu.
Vers 1910, un jeune motocycliste liégeois, Albert SNYERS, s'intéressa aux possibilités d'emploi de la moto à l'armée et aux nombreux services que l'on pourrait attendre de cet engin.
En étudiant la campagne de 1870, ce moins de vingt ans avait été frappé par le fait que les désastres français étaient en grande partie imputables à deux causes importantes. En premier lieu à un système d'explorations nettement défectueux, ensuite à un manque de liaison absolu entre les différentes unités engagées. Il avait réalisé que pour les grands chefs militaires placés devant les réalités de la guerre, la première préoccupation est d'avoir des yeux et des oreilles partout. Or, de toute évidence, les généraux de France s'étaient révélés, lors de cette campagne désastreuse, aussi sourds qu'aveugles. Ignorant tout des mouvements de l'ennemi, ils se bornaient à "marcher au canon". Le bruit d'une lointaine canonnade suffisait à lui seul pour mettre en branle tout un dispositif d'armée toujours lent à se mettre en route et la troupe s'épuisait ensuite en de stériles marches et contre marches.
L'utilisation de la motocyclette comme mode de liaison fut pour lui un trait de lumière, tandis que sa clairvoyance lui en suggérait également l'emploi pour le service des reconnaissances.
Mais à quoi bon vouloir compliquer les choses à une époque où personne ne voulait croire au pire, où la routine régnait en maître dans les hautes sphères militaires. Alors, la cavalerie était seule considérée comme susceptible d'effectuer les services d'exploration. Des cavaliers flanqués de quelques cyclistes se voyaient réserver l'importante mission de la transmission des ordres.
D'autre part, le service téléphonique en campagne en était à ses premiers balbutiements et l'aviation militaire, comme la T.S.F., encore à l'état embryonnaire.
En ces temps lointains, la moto était encore loin de l'engin perfectionné qu'elle est devenue aujourd'hui. A l'ère des accumulateurs, source constante d'ennuis, venait de succéder celle de la magnéto. Les embrayages, comme les changements de vitesse, encore au stade initial, étaient à peine utilisés. La motocyclette, il faut le reconnaître, n'était alors qu'un instrument plus encombrant que pratique et, la mauvaise saison venue, ses adeptes n'osaient plus s'aventurer sur les routes.
Dès lors, si l'éventualité d'un conflit faisait hausser les épaules, celle d'utiliser la moto à des fins militaires ne paraissait plus relever que du domaine de l'utopie. La partie était inégale : d'autres se seraient découragés. Livré à lui-même, incompris de la majorité, le hasard voulu qu'un journaliste prêta un jour à notre concitoyen une oreille complaisante. Séduit par l'originalité des idées qui lui étaient soumises, Arnold THUILLIER, à l'époque directeur du "Journal de Liège", les exposa dans son journal. Parmi la masse des lecteurs, cet article ne suscita qu'une unique réaction, mais elle devait être lourde de conséquences.
L'Etat-Major de la Position Fortifiée de Liège comptait un capitaine-commandant qui, exception fort rare jadis, n'était pas l'homme à fuir les responsabilités ni à s'abriter derrière des règlements vétustes. Le commandant DE KRAHE avait été d'emblée intéressé par tout ce que ce projet de motorisation pouvait apporter de neuf à l'armée. Usant d'initiative, se souciant peu des objections des instances supérieures, son heureuse intervention aboutit à l'organisation du Concours d'Estafettes Militaires, qui eut lieu le dimanche 30 mars 1913... à l'aide de civils.
Le Journal de Liège, ainsi que le Moto-Club Liégeois, dont le héros de cette histoire était un des animateurs, en assumaient l'organisation. Ce concours se disputait autour des forts de Liège, sur un parcours de 150 kilomètres comprenant surtout des chemins vicinaux en fort mauvais état. L'itinéraire, tenu secret jusqu'au moment du départ, était indiqué sur une carte d'état-major au 1/40.000. Les concurrents devaient le suivre scrupuleusement tout en maintenant une moyenne horaire de 30 Km/heure. Les contrôles étaient assurés par des officiers de la garnison. L'épreuve, qui avait retenu l'attention du public, remporta un succès marquant et 30 motocyclistes y effectuèrent une démonstration péremptoire de ce que l'on pouvait attendre de la motocyclette. Un premier pas important était accompli.
Entre-temps, les grandes manoeuvres auraient pu fournir l'occasion de pousser plus avant les mêmes expériences précieuses que venaient de fournir le Concours. Il n'en fut rien. Les autorités militaires acceptèrent uniquement le concours de la garde civique montée qui disposait en ordre principal de chevaux de fiacre loués pour la circonstance.
SNYERS ne se découragea pas. Il n'ignorait pas que la plupart des motocyclistes n'étaient pas aptes à rouler par tous les temps. Dès l'approche de la mauvaise saison, il était de règle courante pour eux de graisser soigneusement leur machine et de la remiser jusqu'au printemps. Il importait donc de bousculer les habitudes et de décider quelques "sportsmen" à tenter une grande aventure. Il émit alors l'idée d'organiser des épreuves d'hiver. Ces hardis motocyclistes, ils étaient neuf en tout, démarrèrent sans trop savoir où cette "folie" allait les mener. Et à la stupéfaction générale, ce fut une magnifique démonstration de régularité et de savoir-faire. La seconde manche était gagnée. La finale devait se disputer sur les champs de bataille en 1914.
Le 3 août 1914, à 11 heures du soir, un planton sonnait à la porte d'Albert SNYERS. Le lieutenant-général LEMAN lui faisait parvenir l'ordre de former sur-le-champ une Compagnie d'Estafettes Motocyclistes Militaires qui serait passée en revue le lendemain à 16 heures.
Le commandant DE KRAHE avait bonne mémoire. Fort des pouvoirs que la mobilisation de l'armée conférait au Gouverneur Militaire, il était intervenu auprès de celui-ci. Mais si le problème était posé, il importait toutefois de le résoudre en 17 heures. Il le fut.
Reprenons ici le récit, par SNYERS, de ces quelques heures qui lui apportaient la récompense des efforts déployés pendant plusieurs années et qui lui permettaient de concrétiser ses idées.
"Deux heures furent employées à rédiger des convocations à l'adresse de motocyclistes éprouvés. A 1 heure du matin, le Directeur des Postes de Liège se vit invité par un jeune inconnu à mobiliser sur-le-champ tous ses porteurs de télégrammes.
- Mais vos enveloppes n'ont rien d'officiel. Pas le moindre cachet. Je ne puis les envoyer.
- Lisez le texte s'il vous plait.
- Vous êtes invité à vous présenter avec votre motocyclette, ce mardi 4 août, à 5 heures du matin, à l'état-major de la P.F.L., rue Sainte-Foy, afin de vous placer à la disposition de l'armée. Viendront-ils ? Sur combien d'entre eux puis-je compter ? Dès 5 heures du matin, les premiers motocyclistes convoqués commencèrent à arriver en même temps que d'autres volontaires, insistant pour être enrôlés. Un cadre était constitué de suite et les machines examinées. Pendant ce temps, les usines F.N. et Saroléa recevaient des bons de réquisition tant pour les motos que pour du matériel de rechange. A midi, il ne restait plus qu'à pourvoir d'un uniforme et armer la nouvelle unité. Le dépôt était à la caserne Saint-Laurent."
Ici se place une scène qui aurait fait la joie de Georges Courteline.
Un capitaine d'habillement, en fin de carrière, vit arriver une collection de jeunes gens dont celui qui paraissait leur chef ne semblait guère plus âgé que ses compagnons.
- "Mon capitaine, il faut habiller et armer tout le monde; voici le bon.
- A quelle unité appartenez-vous ?
- Motocyclistes.
- Motocyclistes ? Inconnus à l'armée et le règlement est muet à leur égard. Tout ce que je puis faire est de vous fournir un équipement d'infanterie.
- Tous mes regrets, mon capitaine, mais je pense que le képi du génie pourrait mieux convenir.
- Alors, vous êtes incorporés au génie ?
- Non, mon capitaine, mais cette coiffure possède une visière, avantage précieux pour des motocyclistes.
- Ensuite ?
- Je choisis la veste d'artillerie, celle qui a deux poches de poitrine, ce qui est aussi indispensable.
- Mais alors cela devient une véritable mascarade.
- Je regrette, mon capitaine, mais je suis bien obligé de composer une nouvelle tenue."
Désespéré devant un tel bouleversement des traditions et des règlements si respectueusement observés au cours d'une longue carrière, le vieil officier se tourna vers un sous-officier. En ces heures critiques, il importait que le général LEMAN fut fixé, minute par minute, sur le développement d'une dangereuse manoeuvre des forces allemandes. Celles-ci tentaient un effort désespéré pour percer les lignes belges dans le secteur de Boncelles. Les sportsmen liégeois connaissent cette partie du plateau de Cointe où le Royal Motor Union fait disputer, de nos jours, son épreuve annuelle de moto-cross. De cet endroit, l'oeil peut embrasser un des plus beau site de la Wallonie. La vallée de la Meuse présente l'image saisissante de ses activités industrielles. Les hauteurs agrestes du bois de Kinkempois complètent harmonieusement ce panorama. Le 6 août 1914, ce cadre magnifique n'offrait plus qu'une vision infernale de la guerre.
Après avoir placé ses hommes à l'abri des vues de l'ennemi, le jeune chef s'était hissé sur le toit d'un bâtiment de charbonnage et, de son observatoire, il découvrait le champ de bataille. Les troupes allemandes, en formations serrées, attaquaient les avancées du fort. Les mitrailleuses et les boîtes à balles frappaient sans arrêt dans les masses compactes d'hommes tandis que l'artillerie d'un fort voisin s'en venait compléter le carnage en pilonnant les fossés de Boncelles.
Mais l'observation attentive de la lutte permettait de déceler de dangereuses infiltrations de l'ennemi dans les lignes belges. Sans interruption, des estafettes étaient dépêchées vers l'Etat-Major du général LEMAN afin de tenir celui-ci au courant du développement des opérations. De toute évidence, l'envoi de renforts était indispensable pour rétablir une situation qui paraissait de plus en plus désespérée. Hélas, de son observatoire, le petit sous-lieutenant voyait s'amorcer chez les nôtres des mouvements de repli.
Les estafettes motocyclistes belges, 1911
Par après, des motocyclistes revinrent de Liège, porteurs de graves nouvelles. Un commando allemand s'était audacieusement infiltré dans la ville jusqu'à l'église Sainte-Foy. Le Q.G. avait été attaqué par surprise et ses abords étaient jonchés de cadavres. D'autres estafettes s'en venaient confirmer la sinistre nouvelle et ajoutaient que le général LEMAN avait dû transférer son Q.G. en un endroit plus sûr. Où ? Il leur avait été impossible de l'apprendre car la ville était encombrée de troupes battant en retraite et partout régnait la plus grande confusion.
Sur le plateau de Cointe, les choses allaient également se gâter. L'artillerie allemande avait allongé son tir et les shrapnels commençaient un arrosage de mauvais augure. Le spectacle démoralisateur des troupes battant en retraite fit que SNYERS dut reprendre ses jeunes troupes en main et le fit quitter la plateau de Cointe. La partie semblait perdue à Liège et plus rien n'incitait le jeune chef à attendre des ordres qui s'avéraient de plus en plus problématiques.
Il se souvint alors d'une parole entendue au Q.G., de la bouche d'un officier d'état-major, au cours de la nuit : "Pourvu que les renforts arrivent de l'armée de campagne". Le Grand Quartier Général de l'Armée se trouvait alors à Louvain. Il importait de le mettre immédiatement au courant de ce qui se passait à Liège et SNYERS donna l'ordre de départ.
La Hesbaye était déjà infestée de cavaliers ennemis. La petite troupe dut se frayer son chemin à coups de carabine, mais quelques heures après, le G.Q.G. était exactement renseigné et à même d'ordonner les nouvelles dispositions tactiques qui s'imposaient.
Quelques jours plus tard, la 3e Division d'Armée se reconstituait sur la Gette et les jeunes volontaires, bien aguerris et conscients de leur rôle, accomplissaient joyeusement toutes les missions qui leur étaient confiées. La première unité motorisée avait victorieusement résisté à de dures épreuves et admirablement répondu à la confiance que l'on avait placée en elle.
Le rôle d'estafette est varié. Il faut rouler jour et nuit, le plus souvent sans lumière, sur de mauvais chemins défoncés par des trous d'obus. Les colonnes en marche encombrent les routes et il importe de traverser, sans tarder, les convois, les régiments, les batteries, etc… Souvent, la destination à atteindre est à peine connue. Il faut faire preuve de réflexion et être débrouillard pour repérer le soir, dans une région inconnue, tel officier supérieur se trouvant en plein champ ou dans une maison isolée, telle batterie admirablement camouflée, telle formation sanitaire perdue dans la campagne, ou dénicher les colonnes de munitions au diable vauvert.
Les jours de bataille, le motocycliste est constamment exposé au danger car pour lui, il n'est pas question de s'abriter dans une tranchée. Il doit rouler à découvert sur les routes balayées par les shrapnels, les obus et les balles. Un d'entre eux relatait qu'à Haecht, la fusillade était si intense que des branches d'arbres coupées jonchaient le parcours qu'il empruntait. Un autre, au cours de la bataille de l'Yser, pris entre deux feux, dut se jeter dans un fossé, s'y tapir, puis ramper pour regagner nos lignes et y remettre les ordres urgents qu'il portait. Un troisième eut une aventure non moins singulière. S'étant perdu un soir en un secteur inconnu, il passa la nuit dans une maison abandonnée. Le matin, réveillé par des voix peu familières, il constata que des Allemands occupaient la maison voisine. Il s'esquiva et put, sans abandonner sa machine, rentrer dans nos lignes.
Bien qu'il ne soit pas exempt de dangers, le rôle d'estafette n'est pas précisément combatif. Dès le début de la campagne, leurs chefs se décidèrent à confier à nos motocyclistes des missions de reconnaissance aussi hardies que périlleuses. On les envoya, bien en dehors de nos avant-postes, reconnaître les régions occupées par l'ennemi. Souvent, ils durent combattre à un contre cent. Toujours grâce à la rapidité de leurs motos, ils surent distancer leurs adversaires et rapporter les précieux renseignements qu'ils avaient obtenus.
Partis d'Anvers investi, au cours d'une expédition, ils parvinrent à 13 Km de Landen. C'était un coup d'audace. Aussi la retraite leur fut-elle coupée et c'est par miracle qu'ils purent rentrer sains et saufs. Au cours d'une autre reconnaissance, ils dénichèrent un matériel de chemin de fer de très grande valeur égaré au cours de la retraite. Grâce à leurs indications, on put le ramener dans les lignes belges.
Parmi leurs plus beaux faits d'armes, il faut retenir celui de Malines. A l'époque, cette ville n'était plus qu'une sorte de "No man's land" où seules quelques patrouilles osaient s'aventurer. Or il y avait en gare du Muysen un stock d'appareils de téléphonie oublié là-bas et dont l'armée avait le plus grand besoin. Les motocyclistes furent chargés de préparer son retour. Un dimanche matin, après avoir patrouillé dans la ville, ils en sortirent hardiment, pour opérer sur les routes de Bruxelles et de Louvain. Se déplaçant à toute allure, leur tactique consistait à ouvrir un feu nourri dans toutes les directions afin de laisser supposer à l'ennemi que des troupes belges importantes engageaient un mouvement offensif. L'opération fut si bien menée, que les Allemands crurent avoir à faire à des éléments supérieurs en nombre et ils n'osèrent réagir immédiatement. Jusqu'à la nuit, les motocyclistes surent assurer la surveillance des abords de la ville pendant que le matériel téléphonique était chargé sur un train et ramené à bon port. Une cinquantaine de jeunes gens décidés avait suffi pour mener cet important coup de main.
Un autre de leurs plus beaux exploits se situe dans la guerre d'embuscade qu'ils firent dans le Limbourg. Anvers était alors assiégé et, pour des raisons tactiques, il s'imposait de laisser croire aux Allemands que de nombreuses forces belges occupaient la Campine. Ils sillonnèrent cette région dans tous les sens, pendant plus de trois semaines, servant d'éclaireurs aux maigres contingents placés sous les ordres du général DE SCHEPPER. Croyant avoir à faire à forte partie, l'ennemi finit par y dépêcher des forces importantes.
Le combat de Lanaeken est un des faits d'armes à leur actif au cours de ce raid sensationnel. Il y avait en tout et pour tout dans la commune une vingtaine de volontaires belges, lorsqu'une colonne allemande, munie de mitrailleuses et d'artillerie, arriva devant cette localité. Sans hésiter, ils ouvrirent le feu sur l'ennemi et l'arrêtèrent pendant deux heures. Les motocyclistes avaient laissé leurs motos à Pietersheim. Ils se replièrent en tirant, jusqu'à leurs machines puis partirent à fond de train, vers Neerhaeren, où ils attendirent leurs adversaires pour les harceler de nouveau. Le surlendemain, un journal de Maastricht écrivait : "II n'y a qu'une voix pour louer l'extraordinaire vaillance des soldats belges."
Le 25 septembre, dix d'entre eux déboulonnaient les rails du chemin de fer de Bilsen à Tongres. Deux heures plus tard, un train chargé de troupes déraillait, mais les motocyclistes étaient loin.
Ils apprirent peu après que la Place d'Anvers s'était rendue. La nouvelle était grave, car ils étaient dorénavant livrés à leurs propres moyens. Il n'était pas question pour eux de se rendre. Ils gagnèrent donc Hamont, se procurèrent des habits civils et, peu après de simples réfugiés belges entraient en Hollande. Pas un seul d'entre eux ne pensa à s'incruster dans cette oasis de paix, et trois jours après, ils franchissaient tous, à nouveau, la frontière belge, avec leurs fidèles motos, pour faire rapport à l'E.-M. de la 3e Division d'Armée.
De tels exploits les avaient rendus célèbres au point que, peu avant la bataille de l'Yser, l'armée anglaise sollicita leur concours. Un détachement fut affecté, pendant les trois derniers mois de 1914, à une division de cavalerie britannique, qui opérait dans la région d'Ypres. Au moment où ils furent replacés à la disposition de notre armée, le lieutenant-général BYNG, commandant le Corps de Cavalerie des Forces Expéditionnaires Britanniques leur fit parvenir, par la voie du Chef d'E.-M. de l'Armée, une lettre dont chacun des membres du détachement reçu copie :
"Je suis heureux de pouvoir faire connaître mes appréciations sur l'excellent travail fourni par les motocyclistes éclaireurs belges pendant la période au cours de laquelle ils ont été attachés à ma division de cavalerie."
"Outre des missions consistant en reconnaissances, service d'estafette et opérations isolées, en présence d'un ennemi supérieur en nombre et qui exécutait une marche en avant, au cours desquelles ils firent preuve de bravoure et d'adresse calculée, ils se montrèrent très habiles à recueillir des renseignements, à agir comme interprètes et à établir de bonnes relations entre les troupes anglaises et la population civile."
En 1915, survint la période de stabilisation sur l'Yser. On crut devoir changer, en haut lieu, la dénomination du corps des Volontaires Motocyclistes en "Compagnie Estafettes et Reconnaissances", en abrégé "C.E.R.". Ce fut la seule marque tangible d'intérêt qui leur parvint des hautes sphères de notre armée. A l'époque, les cavaliers étaient bien en cour et il est permis de supposer que le comportement des chevaux mécaniques était loin de plaire à certains porteurs d'éperons.
Estimant qu'ils ne s'étaient pas engagés pour remplir un rôle qui se résumait dorénavant en la simple transmission des ordres, un grand nombre d'entre eux prirent la décision de quitter une unité qu'ils avaient rendue fameuse. Les uns passèrent à l'infanterie, d'autres à l'artillerie, et beaucoup à l'aviation. La plupart devaient gagner dans ces différentes armes les étoiles d'officier.
Leur chef, le lieutenant Albert SNYERS, devait s'adjoindre les titres de "Premier volontaire de guerre de Belgique" et de "Premier officier nommé face à l'ennemi". Il reçut, 23 ans après, des mains du général DE KRAHE, la Croix de Chevalier de l'Ordre de la Couronne, devant le front des troupes, le 30 avril 1937, à Liège.
Liste des motocyclistes qui furent présents à Liège le 4 août 1914 et de ceux qui rallièrent l'unité avant la bataille de l'Yser. (Livre d'or de l'Automobile et de la Motocyclette - Royal Motor Union - 1951, réédition 88)
Le 30 avril 1937, le général De Krahe décore le lieutenant Albert Snyers
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